Hommage à Robert Badinter (1928-2024)
C'est avec une immense tristesse et une profonde émotion que la communauté de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a appris, ce vendredi 9 février, la disparition de Robert Badinter.
Président du Conseil constitutionnel, ministre de la Justice, avocat, homme d'idéal, son engagement, ses convictions et ses combats historiques au service de la démocratie et de la justice ont laissé une trace indélébile dans notre mémoire collective. Il était, et restera, également l'une des plus éminentes figures de notre université, défenseur infatigable des valeurs d'humanisme et de liberté qui sont aussi celles de notre institution.
Professeur de droit privé et sciences criminelles à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne de 1974 à 1994, puis professeur émérite, reconnu et admiré, il aura inspiré plusieurs générations de professeurs, de maîtres de conférences, de chercheurs et d'étudiants avec lesquels il échangeait encore ces dernières semaines toujours avec une grande disponibilité et une bienveillance appréciée de toutes et de tous.
Au nom de l'université et de ses membres, la présidente adresse ses plus sincères et attristées condoléances à son épouse, Madame Élisabeth Badinter, ainsi qu'à ses enfants.
Merci professeur Robert Badinter
De chez lui, il n’avait qu’à traverser le jardin du Luxembourg pour rejoindre notre université – son université – en face du Panthéon. La Sorbonne d’abord, où il a suivi des études de sociologie au sortir de la Seconde guerre mondiale, puis la faculté de droit à partir de 1949, où il a soutenu son doctorat en droit privé en 1952. L’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, celle où il est revenu en 1974 comme professeur des universités, et où il a continué d’enseigner lorsqu’il était Garde des Sceaux (1981-1986), président du Conseil constitutionnel (1986-1995) et sénateur (1995-2008) ; celle où il a marqué de sa participation des dizaines de colloques.
Un homme droit, un homme de droit, le droit fait homme, militant des droits de l’homme. Tel a été Robert Badinter. Passionné par le droit en général et les droits constitutionnel et pénal en particulier, qu’il a vus comme un outil d’émancipation personnelle et de défense des individus, il a aimé façonner le droit, en France certes comme législateur, constituant ou ministre, mais aussi à l’étranger où il a participé à l’élaboration de tant de constitutions. Il a aimé l’enseigner sans notes ou presque, à sa manière de conteur hors pair, en insérant toujours des anecdotes tirées de sa si vaste expérience personnelle – il avait écouté Léon Blum discourir en 1936 – pimentée d’un rare talent d’imitateur. La recherche juridique et historico-juridique le faisait vibrer, et il n’est pas indifférent que l’un de ses derniers livres, évidemment porté par sa propre histoire familiale, vienne documenter au moyen d’archives inédites le procès de René Bousquet qui s’est tenu devant la Haute Cour en 1948.
Robert Badinter s’est toujours entouré d’universitaires, de son association en 1966 avec le professeur de droit privé à Paris 1 Panthéon-Sorbonne Jean-Denis Bredin dans un cabinet d’avocats précurseur, à la création en 2010 de Corpus, qui réunit une douzaine de professeures et professeurs de droit. Car il portait en lui-même une très haute vision de l’université, qu’il considérait comme un lieu de savoirs et de liberté dans la transmission de ces savoirs. Son public estudiantin le lui rendait bien, et il aimait raconter qu’au lendemain du procès de Patrick Henry en 1977 dont il avait fait le procès de la peine de mort, il avait été accueilli dans un amphithéâtre de l’université avec cette inscription au tableau : "Merci, Monsieur Badinter".
Oui, merci, professeur Robert Badinter, d’avoir associé l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne au fil rouge, intemporel et universel, d’une vie d’engagements en faveur de la défense des libertés publiques et de l’État de droit.